
Dans les faubourgs de Lubumbashi, capitale minière et économique du Haut-Katanga, un vent de mécontentement souffle parmi les communautés locales. En cause : la gestion controversée des dotations communautaires par la société Ruashi Mining, l’ un des acteurs clés du secteur minier en République démocratique du Congo. La récente publication d’un rapport accablant de la Cour des comptes a jeté une lumière crue sur des pratiques qui mettent à mal le développement local, tout en remettant en question la responsabilité sociale des entreprises minières.
Sur le terrain, les infrastructures inachevées et les promesses non tenues sont à la fois visibles et douloureusement palpables. L’hôpital militaire de la Ruashi, par exemple, illustre à lui seul les carences d’un système censé améliorer les conditions de vie des populations riveraines des exploitations minières. Doté en 2024 d’une centrale photovoltaïque flambant neuve, ce centre de soins fait pourtant face à un paradoxe : faute de batteries, les panneaux solaires restent inutilisables, et les coupures d’électricité paralysent les services. Christophe Kabwit, membre de la société civile locale, désigne sans détour le principal responsable sur RFI : « Ruashi Mining nous doit encore 5 millions de dollars. Cette centrale aurait dû être opérationnelle depuis longtemps. Mais aujourd’hui, ce n’est qu’un projet fantôme. »

Non loin de là, un autre symbole de l’échec des projets communautaires trône au centre social Ruashi 2. Ce bâtiment peint d’un blanc immaculé devait incarner un nouvel élan pour les jeunes de la région, en leur offrant des ateliers de couture et d’informatique. Las, les travaux ont été interrompus, laissant derrière eux un bâtiment vide et des espoirs déçus. Zacharie Kapenda, directeur du centre, ne cache pas sa frustration sur la radio France Internationale : « Tout était prévu pour être prêt en trois mois. Mais aujourd’hui, nous n’avons ni les machines à coudre ni le matériel informatique. Que devons-nous encore attendre ? »
La Cour des comptes a mis en évidence une réalité troublante : sur les 0,3 % de son chiffre d’affaires que chaque entreprise minière est tenue de verser aux communautés affectées, Ruashi Mining n’a honoré que 22 % de ses engagements. Ainsi, entre 2018 et 2023, l’entreprise aurait dû débourser 6,13 millions de dollars. Pourtant, seuls 1,2 million ont été réellement versés, laissant un gouffre de 5,11 millions de dollars. Justin Nyembo, membre de l’organisme chargé de la gestion de ces fonds, ne mâche pas ses mots : « Ces montants auraient permis d’achever des projets vitaux. Mais aujourd’hui, nous sommes bloqués. »

Pour Freddy Kasongo, directeur de l’Observatoire d’études et d’appui à la responsabilité sociale sur RFI, l’affaire dépasse le simple manquement financier : « Le Code minier est clair. Il incombe à l’entreprise de respecter ses obligations légales. Toute tentative de minoration constitue une violation des lois du pays. » Pourtant, Ruashi Mining réfute les accusations de sous-déclaration de son chiffre d’affaires. La société évoque une prétendue « erreur de calcul », une justification qui peine à convaincre les observateurs.
Sur le terrain, les habitants de Lubumbashi restent sceptiques. Dans un pays où les richesses minières abondent, la pauvreté et les inégalités persistent, alimentées par des pratiques peu scrupuleuses. Le cas de Ruashi Mining n’est qu’un exemple parmi les 37 sociétés épinglées par la Cour des comptes pour des manquements similaires. Au total, ce sont 97 millions de dollars qui n’ont pas été versés aux communautés locales, privant ces dernières d’investissements décisifs dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des infrastructures.

À la Ruashi, les habitants attendent plus qu’une simple régularisation des montants dus. Ils espèrent un véritable changement dans la manière dont les entreprises minières interagissent avec les communautés qu’elles impactent. Car au-delà des chiffres, ce sont des vies qui sont en jeu, des vies suspendues à des promesses encore trop souvent brisées.
Echos du Congo (Source- RFI)